Portrait vidéo de Claudia Castellanos par France 24

Interview pour aefe.fr

Pouvez-vous nous parler de votre parcours scolaire au lycée français Louis-Pasteur de Bogota ? Après le lycée, quelles études supérieures avez-vous suivi ?

J’étais élève au lycée français Louis-Pasteur de Bogota de 1980 à 1994 et j’en garde un excellent souvenir. J’y ai passé le baccalauréat, dans l’ancienne série B (économique), puis j’ai poursuivi mes études en Finance et Relations internationales à l’Universidad Externado de Colombia à Bogota. En 2001, j’ai quitté la Colombie pour faire un MBA à l’École supérieure d'administration et de direction d'entreprises (ESADE) à Barcelone.

Après vous études, quelle voie professionnelle avez-vous choisie ?

Après mes études, j'ai été embauchée par une entreprise du groupe français Danone en Italie où j'ai travaillé pendant presque trois ans. Cependant, le monde des affaires ne m’a pas donné toutes les satisfactions et j'ai démissionné pour enseigner l'économie dans une petite université en Italie.

2008 semble être un tournant dans votre parcours, avec votre départ pour le Swaziland, aujourd’hui Eswatini, pour réaliser une mission de volontariat. Qu’est-ce qui a motivé ce changement de direction ?

J'ai apprécié mon parcours professionnel dans l’entreprise puis comme professeure mais il me manquait quelque chose. Je trouvais que mon activité n’avait pas suffisamment d'impact positif... et j'avais quelques griefs contre le monde développé. Alors, j'ai pris la décision de faire du volontariat en Afrique et j'ai eu l’occasion d'aller en Eswatini en 2008, pour travailler comme volontaire dans une entreprise sociale appelée Gone Rural, qui fait des produits d'artisanat et soutient 800 femmes rurales du Swaziland.

De quelle façon cette expérience a-t-elle changé votre vision du monde ?

Cette expérience m'a transformée. J'ai découvert ce qu'est ma véritable passion : travailler pour le développement des communautés rurales et des femmes, spécialement des femmes qui sont particulièrement défavorisées dans une société patriarcale. Cette décision m'a amenée à rester au Swaziland après mon volontariat et à mettre mes compétences et connaissances au service du développement. J'ai commencé à travailler avec une ONG américaine appelée Technoserve qui aide les entreprises sociales à améliorer leur gestion.

En 2010, vous fondez Black Mamba : comment est né ce projet ?

Oui effectivement, en 2010 j'ai décidé de fonder Black Mamba, une entreprise de produits alimentaires (sauces piquantes, pestos, marmelades…) à base d’aliments entièrement naturels, pour renforcer mon engagement en faveur du développement des communautés rurales d’Eswatini.

Quelle est la philosophie de votre entreprise ?

Notre philosophie est de faire de la BONNE nourriture : et, pour nous, cela signifie bon pour les consommateurs, bon pour la planète et bon pour les communautés rurales avec lesquelles nous travaillons.

Qui sont vos collègues, vos employés ?

Black Mamba emploie vingt personnes, dont dix-huit femmes, et quinze d’entre elles sont issues de communautés très pauvres et défavorisées.

Quel impact a votre entreprise sur son environnement direct ?

Nous travaillons avec une ONG locale, appelée Guba, qui forme de petits agriculteurs à la permaculture et à l’agriculture biologique. À travers ce partenariat, nous collaborons avec soixante petits agriculteurs (dont cinquante femmes) en achetant leurs végétaux pour fabriquer nos produits et en nous accordant pour qu’ils et elles retirent un revenu décent de leurs ventes. Nous avons un impact sur plus de 1 000 personnes : en moyenne, les employés et les agriculteurs ont six personnes à charge, et les agriculteurs partagent leur connaissance en permaculture avec onze autres personnes de leur communautés.
Avec l'utilisation de méthodes d'agriculture verte, nous contribuons également à améliorer la qualité du sol, la biodiversité et l'utilisation des ressources hydrauliques.

Comment voyez-vous l’avenir de votre entreprise, quelle est votre ambition ?

Nous avons deux ambitions chez Black Mamba :

• Prouver qu'un modèle économique inclusif et fondé sur des valeurs environnementales et sociales peut avoir du succès et peut être reproduit dans les pays en développement.
• Notre seconde ambition est de détrôner les sauces piquantes hyper-transformées. De dominer le marché du piment (rire) !  Move over Sriracha ! Je suis convaincue que nous allons dans la bonne direction pour y parvenir.

Vous œuvrez en faveur l’empouvoirement des femmes au sein des communautés rurales : parlez-nous de votre engagement et de vos actions sur cette question…

Black Mamba soutient l'égalité de genre en se concentrant délibérément sur l'embauche de femmes et en travaillant avec des femmes dans le cadre de sa chaîne de valeur. Les femmes sont également encouragées à évoluer au sein de l'entreprise, à accéder à des postes de direction, et cela est soutenu par des actions de formation continue, pour permettre une montée en compétences. Black Mamba favorise également l'égalité de genre grâce à notre programme d’éducation par les pairs (peer education training), à destination des employés et des agriculteurs.

En Eswatini, les femmes ont un statut inférieur à celui des hommes. Cela est imposé par la culture et la tradition ainsi que par des lois et réglementations archaïques. En procurant à nos employées et à nos agriculteurs un emploi et un revenu durables, ainsi qu'une éducation pour comprendre leurs droits, nous avons remarqué que les femmes s'autonomisent, obtiennent un meilleur statut au sein de leurs communautés et cela a un effet important sur l’estime de soi. Dans la plupart des cas, cela leur a permis de s'éloigner d'environnements néfastes ou de relations abusives.

Que représente ce trophée pour vous ?

Je suis extrêmement fière d'avoir remporté ce trophée. C'est une reconnaissance de l'excellent travail que nous faisons chez Black Mamba et de notre volonté de changer le monde… un piment à la fois !

Vous avez été scolarisée au lycée français Louis-Pasteur de Bogota. Que vous a apporté l’éducation à la française ?

La personne que je suis aujourd’hui doit beaucoup à l’éducation française que j’ai reçue au lycée français de Bogota. Elle m’a appris à penser par moi-même, à être curieuse et ambitieuse. Les professeurs nous ont beaucoup encouragés à partir découvrir le monde après notre scolarité et cette expérience a forgé mon caractère ouvert et extraverti.

Pour vous, un livre emblématique de l’enseignement français à l’étranger ?

L’Étranger, d’Albert Camus.

• Frédéric Geffroy, fondateur de Planète Tigre, association de protection du tigre dans son milieu naturel en association avec les populations locales en Inde : prix du Public, parrainé par la Banque Transatlantique
• Claire Chabrières, fondatrice de ShiokFarm à Singapour, une entreprise sociale permettant à des familles abonnées de s’approvisionner en fruits et légumes bio à des prix abordables : trophée Entrepreneur, parrainé par l‘EDHEC Business School
• Muriel Grenon, enseignante chercheuse en Irlande, fondatrice du programme de vulgarisation et de communication scientifiques Cell Explorers : trophée Éducation, parrainé par le CNED
• Claire de Kerautem, fondatrice d’1 toit 2 âges en Belgique, association d’entraide intergénérationnelle : trophée Impact social, parrainé par Malakoff Humanis
• Arnaud de Fontgalland, fondateur de Sing’Baroque à Singapour, association qui permet de faire découvrir la musique baroque à un large public et de promouvoir de jeunes talents : trophée Culture/Art de Vivre, parrainé par France Médias Monde
• Claudia Castellanos, co-fondatrice de Black Mamba, entreprise sociale et écoresponsable en Eswatini : trophée Ancien·ne Élève des lycées français du monde, parrainé par l’AEFE
• Frédéric Tardieu, président-fondateur de la fondation Sulubaai, qui œuvre à la régénération des ressources naturelles et de la biodiversité d’une île des Philippines : trophée Innovation, parrainé par MisterFly